Manifeste contre l'avant-gardisme, Panderma, 1958
  • Manifeste contre l'avant-gardisme, Panderma, 1958

PANDERMA

PANDERMA

MANIFEST GEGEN DEN AVANTGARDISMUS
MANIFESTE CONTRE L'AVANT-GARDISME
MANIFE'ST AGAINST ANANTGaRDISM

Panderma, Bâle, mars 1958

manifeste signé par Carl Laszlo, Yvonne Escher, René Mächler, Onorio Mansutti, Fritz Billeter, Alexander Herz, Christopher Schmidt, Rolf Fenkart, Robert Phillips, Elio Lurati, Paul Vogel, René Scherrer, Kaspar Sulzbachner, Bruno D. Paresseux, Helmuth Mahrer, Peter Rippstein, Louis Mermet, Dieter Lahme, Bruno Spoerri, Charles Estienne, Edmund Alleyn, Bazon Phönix Phlebas Brock, K.R.H. Sonderborg, Nina Mayo, Barney Wilen, Kolos-Vary, Victor Brauner, Nicolas Bataille, Pierre Gripari, Alain Glass, Johannes Teufel, Jacqueline de Jong, Gamil Ratib, Silvano Lora, Christiane Sellheim, Dieter Volkmann, Manfred A. Knorr, Klaus M. Rarisch, Edouard Roditi
Textes en allemand, anglais et français

Format : 42 x 28 cm

1 feuillet rouge imprimé en noir
qui a été plié en 4

100,00 €
TTC
Quantité

MANIFESTE” CONTRE L AVANT-GARDISME

Il n'y a peut-être rien de plus ennuyeux que cette course effrénée à l'avant-gardisme de certains cercles “avancés” un avant-gardisme de salon devenu tout à fait inoffensif. À côté des inconscients ou des esprits tout à fait arriérés, les éternels retardataires se précipitent de vernissage en concert, et tâchent par tous les moyens d'éviter l'indigestion en absorbant l'art moderne avec précaution. D'honnêtes fonctionnaires s'imposent des séances de ciné-club ; des êtres médiocres jouissant d'une excellente réputation décorent leurs appartements arrangés sans goût de meubles modernes et se font les champions des “lignes actuelles"; l'industrie du meuble introduit à côté des articles de série traditionnels des banalités “d'avant-garde"; les grands magasins font aménager leurs vitrines par des artistes d'avant-garde arrivés et élèvent les trivialités de la vie quotidienne au rang d'actualité inconnue ; des dentistes de bonne famille organisent des thés littéraires et collectionnent des œuvres ultra-modernes ; des femmes et des intellectuels déçus s'élancent à l'assaut des machineries scéniques de Beckett. La chasse effrénée au nouveau, au moderne, va naturellement de pair avec le refus radical de recherche nouvelle. On peut presque dire que les conservateurs et les avant-gardistes se donnent la main, dans cette grande liquidation des valeurs, ils cherchent chacun à leur manière une simple distraction dans l'art. L'avant-gardiste d'aujourd’hui est informé de tout, c’est-à-dire qu'il a à sa disposition un slogan pour tout, et il s'est fait du reste mettre au courant d'avance, par les experts, sur ce qui passe pour être d'avant-garde et ce qui ne l'est pas.

Un très petit nombre de gens se sont aperçus qu'un seul relief d'Arp ne suffit pas à remplacer un style de vie, ni la vie elle-même ; un court enregistrement de Schwitters ne peuple pas le désert d'une maison ; Max Ernst n'est pas un décor mural ordinaire ; on ne peut pas remplir le néant par Beckett — qui est le néant même ; un meuble de Mies van der Rohe au milieu d'un décor de camelote, dans une maison d'architecture moderne douteuse, est comme une sentinelle perdue malgré une riche bibliothèque d'architecture et de décoration moderne. Le dogme ultime duquel on ne peut douter sous peine de péché mortel, le voici : tous les hommes ont besoin d'art moderne. et d'art en général, ils n’en sont peut-être pas toujours conscients, mais ils peuvent encore moins s'en passer que de pain ou de lit. Nous osons affirmer au contraire, défiant tout avant-gardisme : lls n'en ont pas besoin ! Du moins pas tant que le sacro-saint état, la sacro-sainte “société sans classe" et le sacro-saint business s’en servent comme étendard et comme marchandise de luxe.

Nous sommes certes éloignés de toute tendance conservatrice, mais nous déclarons la guerre à l'avant-gardisme figé. L'avant-gardisme actuel. avec sa foi périmée dans le progrès, est enchaînée au présent.

QUANT À NOUS, SEUL L’AVENIR NOUS INTÉRESSE !