BARCLAY Per
PER BARCLAY
PHOTOGRAPHE [LE LIVRE NOIR]
Édité par rueVisconti, 2011
Texte d'Arnaud Maillet (français-anglais)
88 pages
Format : 25,5 x 20,5 cm
ÉDITION COURANTE
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Or telle est bien la nature des oeuvres plastiques de Per Barclay, capables d’ouvrir la perception tout autant que l’imagination. Loin d’être figées dans une forme définitive, elles jouent constamment sur le contraste, mais encore plus sur l’ambiguïté, particulièrement dans ses séries de reflets que l’artiste nomme Chambre d’Huile
… Chambre d’Huile
De façon générale, une Chambre d’Huile est une forme d’installation, un lieu produisant des images, lieu qui n’est pas sans faire penser aux deux types de chambre noire connus, celui utilisé en photographie et celui de la période baroque décrit par Athanase Kircher, dénommé camera obscura. Et photographier une Chambre d’Huile, pour témoigner de cette installation éphémère, c’est encore prolonger l’oeuvre de l’artiste, à l’instar de ce livre qui, lui aussi, reflète ces deux réalisations artistiques. Photographier l’intérieur d’une Chambre d’Huile est aussi une façon de photographier l’intérieur de cette camera, de la même manière que l’on pourrait imaginer un oeil à l’intérieur de l’oeil observant la formation d’une image sur l’écran de la rétine. Il y a là, dans l’oeuvre même, comme une sorte de révélation, au sens photographique, mais aussi au sens baroque, d’un processus technique et artistique, celui de la formation d’une image par sa mise en image même.
Ces œuvres de Per Barclay montrent à la fois le produit et le scénario imaginaire de sa production, le processus et le résultat. La seule différence entre ces deux types de chambres et la photographie réside dans la permanence de l’image. L’huile, à la différence de l’émulsion photographique, se révèle incapable de conserver l’image.
D’où la nécessité des photographies, et du livre pour les diffuser.
Toutefois, une Chambre d’Huile n’est pas un lieu nécessairement fermé ; il est du moins délimité par une structure construite par la main de l’homme. Même dans le cas des Îles Lofoten, alors que l’installation se trouve à ciel ouvert, semble-t-il, il existe toutefois une immense structure en bois de plusieurs mètres de hauteur, dénommée hesje en Norvégien. De forme triangulaire, à claire-voie et en bois telle une charpente de toit, construite par les pêcheurs eux-mêmes, elle permet de faire sécher les poissons au soleil.
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Mélancolie
Les Chambres d’Huile sont ainsi des miroirs bien étranges. Ils ne réfléchissent plus vraiment : ils obéissent moins aux lois de la catoptrique, la science de la réflexion, qu’aux lois de la dioptrique, la science de la réfraction. Nous ne pouvons nous y mirer dedans, mais voyons en revanche le monde à travers eux. Ces miroirs sont donc étrangers à tout narcissisme, car ce sont des miroirs mélancoliques.
Nos humeurs, nos rêves, notre culture, nos désirs… bref, notre tempérament teint tout ce qui est devant nos yeux.
Ce que nous percevons est alors modifié, à l’instar des reflets dans les Chambres d’Huile, ou de ce que nous lisons dans les livres. Or, dès que nous parlons de tempérament, la mélancolie n’est jamais très éloignée. Elle fait d’ailleurs partie des quatre humeurs des Anciens. Et un dérèglement de leur crase aboutit très souvent à un état mélancolique. Néanmoins, un auteur médical italien de la Renaissance, Tommaso Campanella, parlait de la bile noire comme d’un « inchiostro ». C’est ainsi que l’entend Robert Burton dans son Anatomie de la mélancolie.
Mais la bile noire, qu’on supposait une altération de la bile jaune, est une entité imaginaire. …
Arnaud Maillet (extraits)